Te souviens-tu, mon fils, de ta venue au monde,
Du cri que tu poussas à cet instant précis,
Et de ce chaud contact, près du corps, adouci,
De ce sein généreux par ou le lait abonde,
Non ?
Te souviens-tu alors d’incessantes caresses,
De baisers sur tes joues et de tes premiers pas,
De ta première bosse, de ton premier repas,
Des frayeurs de la nuit, cauchemars et détresses
Non ?
Alors tu te souviens de ce jour de Noêl,
Des somptueux cadeaux près de la cheminée,
Et des cloches de Pâques, jetant disséminée,
Manne chocolatée, nougats et caramels,
Non ?
Tu n’as pu oublier tes maladies d’enfance,
Coqueluche, rougeole, qui te rendaient fiévreux,
Et nos veilles nocturnes, à ton chevet, anxieux,
Tous deux morts d’inquiétude, réduits à l’impuissance,
Non ?
Il reste les amis, les copains de la bande,
La cabane cachée parmi l’épais taillis,
Et quelques confidences à celle qui faillit,
A deux sourires près, piétiner tes plates-bandes,
Non ?
Alors que reste-t-il , oui, dont tu te souviennes,
Les jeux de société, promenades à vélo,
Ton premier mot d’amour ou ton premier boulot,
Tes souvenirs sont morts, qu’aucun ne te revienne,
Non ?
Ah si, tu te souviens, dis-tu , de quelque chose,
Une sorte de caisse, en bois, lourd’ et vitrée,
Distillant des images qu’on regarde vautré
Sur des coussins de soie et vous rendent morose,
Non ?
N’oublies pas tout, mon fils, garde dans ta mémoire
Quelques rares secrets, subtils et de valeur;
Mais je te vois heureux, et l’ingrate douleur
Ressentie un instant est de l’ancienne histoire….
J.C.Martineau