Doutes

J’ai peur de ces murs gris, humides, sales et tristes

Enserrant le cachot ou tu vis , condamné.

J’ai peur des barreaux noirs, trois traits sur une piste,

D’un bout d’azur au ciel, chaque jour , emprunté.

J’ai peur de cette cruche ou dort de l’eau saumâtre,

J’ai peur du pain rassis, des paillasses infestées,

De l’odeur de l’urine, au fond du coin noirâtre,

De l’habit que tu portes, tel un pestiféré.

J’ai peur des promenades dans la cour minuscule,

Et des ricanements sournois de ton geolier,

J’ai peur que tu connaisses, dans l’étroite cellule,

Les affres et l’angoisse de la promiscuité.

Sais-tu qu’un autre jour, quelque part dans la ville,

Au palais de justice, sur le banc des jurés,

J’étais là, j’écoutais , et une joie puérile

M’envahit tout à coup…..mon premier accusé !…

Alors , comme les autres, j’ai crié la vengeance,

Je t’ai montré du doigt quand les gens t’ont hué.

Avec, pour seul indice, une vague ressemblance,

A mort , sans hésiter, nous t’avons condamné.

Qui me dit, aujourd’hui que tu es bien coupable,

Pourquoi ne veux-tu donc pas dire la vérité ?

Je dormirais bien mieux si tu « passais à table «

Mais je t’en prie surtout, arrête de pleurer.

J’ai peur de tes pensées, de la femm’ que tu laisses,

Et aussi de l’enfant que tu n’a jamais eu.

J’ai peur des longues nuits, longues, longues et tristesse

D’un matin qui viendra où tu ne seras plus.

J’ai peur de ce doute qui lentement m’assaille.

Seras-tu, toi aussi, un innocent châtié ?

J’ai peur de ce silence trop lourd de représailles,

Et j’ai peur du bruit sec, trop sec , du couperet…..

J.C.Martineau